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J'ECRIS ET CHASSE LE HANDICAP
5 décembre 2010

N°21 Ne dérangez pas la police inutilement

Épisode 21

J’ai enfin ma nouvelle prothèse, le haut ne fait plus problème alors que le bas n’est pas totalement bien adapté. Quand on sait que ça fait deux ans et quatre mois que j’attendais cette autre prothèse, on comprendra que j’en ai marre d’expérimenter tous les effets des douleurs bucco gingivales sur tout le corps.

Il y a donc plus de deux ans, j’ai été refaire mon appareil au centre mutualiste dentaire. Vu mon âge, c’était bien que je le refasse, il avait plus de dix ans, je ne souhaitais pas avoir des rides à partir de la commissure des lèvres à cause d’un appareil mal adapté et mon intention était de terminer mes jours avec cette nouvelle prothèse dentaire.

Pas moyen de pouvoir adapté convenablement l’appareil nouvellement réalisé.

Il faut dire que les empreintes ont été prises à la diable, je me suis abstenue de faire une remarque, la professionnelle était la dentiste, elle savait ce qu’elle faisait.

Finalement, elle me donna un programme de rendez-vous pour refaire la prothèse puisque, de par la loi, elle est tenue à un résultat. Mais au premier rendez-vous, la gestionnaire du Centre était là pour me déclarer qu’elle avait confiance dans sa praticienne et refaire l’appareil ne voulait pas dire que le suivant irait mieux vu l’importance de mes fractures.

Je savais, suite au scanner après l’accident vasculaire cérébral, que j’avais eu une triple fracture du maxillaire. Dans ce Centre, je n’avais pas eu de radio panoramique. Donc, j’avais eu le tort d’informer des multiples fractures de la face. Je l’avais fait pour qu’il en soit tenu compte. Avec le modèle monté sur cire, les précédents chirurgiens dentistes avaient alors réalisé que j’avais une légère déviation de la face. Il faut des circonstances particulières pour que ce défaut se remarque, de même pour réaliser toutes les coutures qui ont reconstruit nez, sous paupière, lèvres, menton, arcades sourcilières.

Je n’ai su les fractures du maxillaire qu’en 2003 alors qu’elles s’étaient produites en 1981. Quand je me suis rendue dans le cabinet du neurologue, dès que je suis apparue dans l’encadrement de la porte, le neurologue s’est exclamé

- Je n’ai jamais vu autant de fractures sur un crâne ! Rassurez-vous, le cerveau fonctionne bien !

- J’en ai profité pour demander de bien vouloir m’énumérer les fractures.

De toute évidence, j’avais l’air de savoir que j’avais été bien atteinte mais que je ne connaissais pas le détail.

Il a donc énuméré et je constatais qu’il ne pouvait situer les fractures dans le temps. Il signala la fracture du temporal droit, avait-il été une nouvelle fois fracturé en 1981 ou était-ce les traces d’une fracture de 1956 ?

J’aurais bien voulu en savoir davantage sur l’état des os à l’arrière du crâne mais il aurait fallu que je justifie mon questionnement et ça, je ne voulais pas.

Ma mère me cognait l’arrière de la tête contre un mur, je la regardais, sans rien dire, droit dans les yeux et elle ne s’arrêtait que lorsque mon corps s’affaissait, je voyais alors de l’effroi dans ses yeux avec la peur d’être allée trop loin. Sa crise prenait fin et elle lâchait prise. Pourquoi un tel comportement ? Je ne sais pas, elle était sujette à des crises d’une extrême violence. Ma demi-sœur en fut la victime et le comportement  de la filletteen souffrit.

Quand une personne l’approchait, l’enfant couvrait sa tête de ses bras et son visage avait des rictus convulsifs. A neuf ans, suite à l’intervention du milieu scolaire, elle fut retirée du milieu familial pour un centre psychiatrique pour enfants et y resta cinq années afin de retrouver un comportement social.

Moi, je supportais mieux sauf qu’à quinze ans, je pris la poudre d’escampette, le visage en sang et des hématomes sur tout le corps. Ma mère rêvait de me mettre en maison de redressement comme il y en avait dans ce temps-là. Elle envoya son mari au commissariat pour signaler ma « fugue » et par après, il vint voir si je ne m’étais pas réfugiée chez ma tante. J’y étais mais je refusai de rentrer à la maison, on pouvait me placer comme bonne à tout faire mais pas chez eux. Ma tante prit mon parti et ne m’obligea pas à quitter son domicile. Elle avait téléphoné à son frère, le docteur pour qu’il m’examine de plus près. Mon beau-père repartit et alla signaler à la police qu’on m’avait retrouvée.

Sauf qu’on ne dérange pas la police inutilement. Elle mena son enquête. Et quand j’entrai comme une bombe dans le commissariat parce que ma mère me poursuivait, elle demanda qui m’avait mis dans cet état. Je hurlai

- Elle arrive !

- Je n’avais pas besoin d’avoir peur. Ici, il ne m’arriverait rien.

Mon tremblement nerveux montrait que je n’étais pas rassurée. Je fus emmenée dans une pièce arrière, éloignée de l’entrée du commissariat. Je me calmais.

- Comment t’appelles-tu ?

- Je déclinais mon identité.

L’un d’eux alla jusqu’à un placard, sortit un dossier, l’ouvrit et dit

- C’est bien elle.

Il tendit le dossier ouvert aux autres. Je compris qu’il était question de ma disparition et que dans la journée, la police n’avait pas réussi à me trouver.

Ma mère, immobilisée sur une chaise, jurait qu’elle était une bonne mère, elle déclamait théâtralement comme sa mère.

Une famille de fous, pensais-je. Les policiers voulaient qu’elle avoue les violences de son mari. Elle jurait que non et qu’elle était une bonne mère.

Moi, j’étais muette et on ne me demandait rien.

- Si, c’est votre mari

- Je suis une bonne mère !

- On veut bien vous croire. La violence des coups, ce n’est qu’un homme qui a pu les donner et encore ! Dans le visage, c’est un coup de poing.

Témoin de l’interrogatoire, je me rassure en me rendant compte que ma mère n’en mène pas large et qu’elle préfère m’ignorer. La scène de la veille défile dans ma tête.

Non, c’était un coup avec le dos de la main et il avait cassé mes lunettes et ça, je ne lui pardonnais pas. Ma mère n’avait pas vu quand il m’en avait retourner une parce que je braillais et que j’avais décidé de me barrer. Donc, je criais pour les exaspérer. Et quand ma mère a réalisé mes lunettes cassées, « il ne serait pas question » disait-elle, « de m’en acheter d’autres, j’allais quitter l’école ». Son mari obtempérait de la tête. C’était sûr, j’allais foutre le camp.

Tout se jouait dans ce commissariat et moi, j’assistais, éberluée, au procès de mon beau-père comme dans les contes où la belle-mère était une marâtre, il s’agissait donc de mon parâtre.

On ne me questionna pas et comme ma mère avait tellement changé depuis son mariage avec sa haine pour ses filles, je trouvais que mon beau-père était totalement fautif. Il gagnait mal sa vie et pérorait à longueur de temps sur des situations qu’il inventait. C’était gros comme un nez au milieu de la figure. Et en plus, il voulait se montrer très gentil avec moi. Une fois j’ai eu la frousse de ma vie d’autant que j’étais incapable de me défendre, j’étais sidérée. Il me lâcha car il réalisa que j’allais tomber dans les pommes. En fait, une fois, hors de son emprise, je suis tombée en pleurs et ma mère vint m’engueuler parce que je pleurais au lieu de l’aider.

Cette histoire a pris fin au Tribunal pour enfants puisque je ne voulais pas réintégrer le domicile familial.

Le juge me demanda si j’avais peur de mon beau-père

- Non, fut ma réponse

- Est-ce que je suis contente d’aller chez ma grand-mère ? Ça ne sera pas facile !

Bizarre, ma grand-mère avec ses trémolos dans la voix n’aurait pas fait illusion.

- C’est la seule façon de poursuivre mes études et de pouvoir m’en sortir.

Et ce fut tout.

  • Ma grand-mère devint tutrice, ma mère reconnaissait de ne pas être en mesure d’élever sa fille et moi, je devins interne au Lycée de Kérichen de Brest
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