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J'ECRIS ET CHASSE LE HANDICAP
13 avril 2011

recherche pédagogique, les méfaits de mai 1968

 


 Je suis entrée à l’Education Nationale en octobre 1962. L’essentiel de ma carrière s’est déroulée au Lycée Commercial de Mulhouse où je suis devenue, en 1965, titulaire de mon poste.

Pour l’épreuve orale de titularisation, je présentais un cours de français portant sur la lecture suivie « Des carnets du Major Thomson » de Daninos. Sous ma conduite, les élèves avaient réalisé un montage audiovisuel qui les avait entraîné à savoir faire des résumés de lectures, acquérir une bonne élocution avec les enregistrements au magnétophone et un sens de la recherche personnelle en illustrant les propos par des dessins humoristiques glanés dans les journaux. Quand l’inspectrice avec ses deux conseillers sortit de la salle, elle répétait à qui voulait bien l’entendre « qu’elle n’avait jamais tant ri » et expliquait que les bourgeoises de Chiraz étaient d’un drôle inouï. Il va sans dire que cette façon d’exploiter un texte avait convaincu l’inspectorat. Il me fut demandé quelques adaptations pour que cette réalisation soit présentée dans une journée pédagogique et que les professeurs fassent, à leur tour, usage des techniques audiovisuelles dans l’enseignement du français.

Mon proviseur était ravi, c’était un homme attentif à la pédagogie exercée dans son établissement, il souhaitait créer un esprit d’émulation et chaque trimestre, un repas au nom de l’amicale entretenait des liens conviviaux entre tous.

Quelque temps plus tard, je trouvai dans mon casier un papier qui me nommait officiellement animatrice pédagogique dans le cadre de l’Institut National Pédagogique, service de l’inspecteur Legrand, section des enseignements techniques. Ma note d’inspection était de 15 ce qui est excellent pour un début. Mon Proviseur me donnait toute facilité pour assister à des journées pédagogiques et pour être conseillère auprès d’autres proviseurs pour acquérir du matériel audiovisuel. On pouvait obtenir du Ministère des équipements mais c’était du matériel obsolète qui ne pouvait que rebuter les collègues et détourner les jeunes de leur usage.

Je m’étonnais auprès du Proviseur d’un choix si mal adapté venant du Ministère.

-          Ce sont des cadeaux faits à des entreprises qui refilent leur matériel périmé invendable sur les marchés.

-          Cela me choque

-          Si vous parvenez à obtenir du matériel à 500F l’unité, je peux le faire inscrire en fonctionnement et il n’y aura pas de problème pour le financement.

 

J’ai trouvé sans problème des magnétophones portales et dotés d’une sonorisation pour des classes de 40 élèves au prix indiqué. Il y avait une bonne remise mais vu le nombre, le vendeur y trouvait son compte. Pour le visuel, je prenais contact avec la firme Kodak et c’en était fini des projecteurs où on récupérait la diapositive avec une fourchette ce qui faisait beaucoup rire les élèves et accablaient les professeurs mal habiles qui n’avaient pas de fourchette à portée de main et qui ne parvenaient plus à calmer l’effervescence des élèves.

En plus Kodak avait des films pour expliquer la lecture d’une image. Les élèves se passionnaient et, par la suite, j’en ai rencontré qui venait de remporter une distinction dans une exposition de photographies à laquelle j’étais conviée pour le vernissage.

J’expliquais donc à d’autres proviseurs comment procéder pour avoir du matériel de pointe qui séduirait tout le monde.

En été, j’étais allée faire un stage dans l’Estérel, stage réservé aux aspirants directeurs ou directrices de collèges ou de lycées. Tout le stage était axé sur la dynamique des groupes.

Et j’ai utilisé la méthode pour enseigner. Les résultats étaient spectaculaires, les élèves qui s’ennuyaient volontiers en cours devenaient entreprenants et dynamiques. Les seulement studieux manquaient d’esprit d’initiatives. La démonstration était faite comme quoi selon la méthode pour enseigner, des agités devenaient de très bons éléments.

J’eus une inspection, ma note passa à 17, note de fin de carrière et mon contrat d’animatrice pédagogique fut renouvelé au titre cette fois de « dynamique des groupes appliquée à l’enseignement du français ». Il me fallait faire des rapports réguliers pour expliquer la méthodologie et les résultats otenus ou escomptés. A chaque mission, il était notifié que le Ministère n’avait pas les fonds, même pour payer mes déplacements. Mon Proviseur m’invitait à accepter les missions. Pour m’indemniser, il jonglerait sur les collègues absents et non remplacés, je serai censé avoir assuré leurs cours.

Mon inspectrice avait mis au point la dictée sans faute. Les élèves devaient s’auto corriger avec dictionnaire et grammaire. Principe excellent car l’élève devait acquérir l’intuition de la faute et manipuler rapidement dictionnaire et grammaire avec l’objectif de remettre un texte sans faute. L’effort personnel était sollicité, fin des dictées avec mauvaise note garantie pour la plupart, autonomie qui permettait l’apprentissage de la langue. Le plan Rouchette permettait d’espérer qu’un plus grand nombre posséderait sa langue et pourrait poursuivre des études sans le tri initial dû à son appartenance sociale.

Nous étions dans cet esprit de réformes dans les méthodes d’enseignement quand mai 1968 éclata sans leader politique pour conduire à bien cette demande de transformations sociales. Daniel Cohn Bendit n’était qu’un étudiant un brin farceur qui battait le pavé et prit la poudre d’escampette quand les choses se gâtaient pendant que des illuminés maintenaient un comité de résistance à la Sorbonne.

Les politiques très officiels eurent très peur. Il fallait se méfier des chercheurs en éducation, l’association des agrégés rejeta le plan Rouchette, il n’était pas question que la maîtrise de la langue soit accessible à tous, il fallait qu’une bonne pratique du français reste réservée à une élite.

Et les proviseurs devaient appartenir au parti du chef de la république présidentielle. J’avais un surveillant général très préoccupé de faire savoir qu’il était gaulliste et plaçait sur son bureau avec ostentation les Mémoires du Général. Je ne sais comment il l’a fait savoir en hauts lieux, toujours est-il qu’il fut nommé principal dans un collège professionnel. Mon Proviseur était outré par cette promotion, où allait l’Education Nationale si on nommait par traitement de faveur des chefs d’établissement ? Le nouvellement nommé me légua son poste de délégué départemental de la FEN. Je dois dire que j’ai très bien assumé cette fonction syndicale et quand mon quatrième enfant est né, j’ai demandé que la région me relève de ma fonction. J’ai eu bien tort car deux, pour le département, me remplacèrent et ne firent rien qui vaille alors que j’eus à réaliser le dommage que me causait le retrait de cette fonction qui me permettait de graviter auprès de l’inspecteur d’académie pour donner mon avis sur diverses décisions.

Ce procédé de nommer des chefs d’établissement en fonction de leur appartenance à un parti s’est maintenu jusqu’en 1973. Les résultats ont été désastreux.

Avant de vous narrer un cas illustrissime, il faut que je vous dise d’autres déboires à cause de la frousse provoquée par mai 68.

 

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