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J'ECRIS ET CHASSE LE HANDICAP
12 décembre 2010

N°26- SUR UNE PETITE MUSIQUE

Épisode 26 L’orgue de barbarie

Mon temps se déroule comme le ruban usé d'un vieil orgue de barbarie dont le bois et la toile seraient fatigués.

J'entends quotidiennement la musique lancinante d’un refrain répété sans relâche sur la partition de ma vie actuelle. Je mettrais bien en congés le musicien qui s'ingénie à faire radoter mes jours. C’est une répétition qui me lamine la cervelle. Je n’écoute plus, je n’en ai plus besoin car je suis devenu poreux, trop perméable à cette maudite musique qui me traverse l’épiderme et m’imprègne jusqu’aux os.

Pour m’ôter cette chimère, cet enfoncement dans une dépression bien plus dévastatrice que celle des Açores, il me faudrait du grain à moudre. Un grain serré qui, en le broyant, laisserait s’écouler le jus foncé mais d’une couleur lumineuse annonçant une saveur forte ! Chaque homme a besoin de faire, c’est en faisant qu’il est. Je suis depuis des mois dans le cumul des jours qui n’annoncent que des projets d’attente. Quelle perspective…Attendre !

Si encore ce temps entre parenthèses était supportable pour des projets à faire. Oui, j’y reviens à ce faire qui ne se présente pas. Mes projets, un grand mot pour de maigres prévisions, commencer par l’attente d’un contact par téléphone ou courrier qui me préviendrait au sujet de mon futur licenciement. Le couperet est tombé, depuis longtemps, je suis inapte au travail. C’est quand même paradoxal, alors que j’ai seulement l’impression d’être enfin apte à ma vie, je ne le suis plus pour le travail. Si l’expression « il n’est jamais trop tard » est tout à fait de mise à mon aptitude tardive à ma vie, elle peut être contredite aisément par son contraire « il n’est jamais trop tôt ».

J’ai beau jouer à celui qui a les mots pour dire, je constate que j’ai été un cancre tenace et acharné, au point de l"être  jusqu’à ce jour, pour les apprentissages qui s’accumulent au fil des événements et des années. A force de redoubler mes classes, j’ai perdu de vue ce qu’il me fallait retenir. Trop tard ou trop tôt, cela montre seulement que j’ai réussi à rater, jusqu’à présent,d’être simplement à l’heure.

Pour revenir au couperet, j’avoue avoir tendu ma tête au bourreau sans rechigner. J’avais été au labeur, le charbon quotidien, pendant trop longtemps pour ne pas me réjouir de cet arrêt. Il est sûr qu’au départ, j’étais parti pour faire comme les copains, du style « C’est bon, j’ai donné,. Aux autres maintenant, à moi la retraite ». Moi, j’ai plutôt eu l’impression d’avoir vendu, pas donné et pour pas cher non plus, mais bien vendu mon temps. Je ne crois pas avoir été un escroc. J’en ai donné pour mon argent et même souvent bien plus que ceux qui l'exigeaient ne le méritaient.

Pour revenir au refrain qui me scie les nerfs, je vous assure que je n’ai jamais jeté une pièce dans la sébile pour ce retour brutal de manivelle. Cela m’est tombé sur le paletot comme la vérole sur le bas clergé breton. Forte expression familière, exprimant un anti cléricalisme primaire de bon aloi mais qui ne fait aucun sectarisme à l’égard de tel ou tel. Les curés, rabbins, imams ou autres gourous peuvent être sans discrimination sujets à des soucis de santé comme tout un chacun.

Le défoulement inhabituel dans ces propos qui n’ont rien à voir avec le sujet ne signifie rien d'autre que mon degré d’intolérance pour mes propres soucis de santé. Ce type me scie les jambes avec sa musique, particulièrement celle de gauche jusqu’au bout du pied. « J’ai le nerf », Un présent singulier à cause de séquelles d’une hernie discale. Le sciatique, ce nerf qui descend de la fesse jusqu’aux orteils, ne veut pas se cicatriser et la ritournelle d’aujourd’hui trop identique à celle d’hier n’augure aucune surprise pour demain. Il me fait l’effet du dentiste quand il ramène sa fraise et que je reste bouche bée sans pouvoir lui répondre.

Je répète le même morceau tous les jours sans avoir l’impression de progresser. J’ânonne par écrit des phrases sans suite pour couper court à mon enlisement.

Que puis-je faire ? Me mettre à la musique ? Si c’est pour ne pas trouver le bon rythme en tournant la manivelle comme ce joueur d’orgue qui saute des trous de sa bande usée en irritant mon oreille, cela n’adoucira pas mes douleurs. Je ne peux même pas accompagner d’un battement de pied énergique le rock de l’asphalte que j’arpente tous les matins.

 

Chaque jour je chemine d’arrache pieds, l’un après l’autre, pour avoir l’impression de démarrer ma journée dans le faire d’une activité physique. Il y a les jours où mon échine fait le gros dos en voulant s’arrondir. Je m’efforce alors de changer ce vilain D courbé en un I, bel et bien droit.

Alors j’écris. J’aligne sans but les mots de mes maux pour les voir noir sur blanc.

Je tente avec l’assurance du présomptueux de faire œuvre à défaut de travail, mais, avec mes habitudes de bricoleur J’ai su faire de la plomberie, de la menuiserie, je suis même qualifié en peinture mais les finitions n’ont jamais été mon fort. Le résultat me laisse dubitatif mais pas découragé. J’ai au moins gardé ma ténacité dans le faire à défaut de savoir fignoler

Dans l’inaptitude m’ayant conduit à être mis en invalidité, j’insiste. Je me sens autant invalide dans mes capacités physiques que dans ma capacité à les décrire. Cela me semble si peu intéressant. Le lecteur n’aura ainsi pas besoin d’être très avisé pour suivre les méandres d’un cheminement intellectuel dévoilant par le texte, une fine analyse me guidant vers du mieux. Rien de tout cela, seulement la page qui se noircit peu à peu pour combler mon vide désespérant. N’ai-je donc aucun espoir ?

Après avoir été échaudé avec l’utilisation abusive de ce mot, après avoir découvert que l’espoir lui-même pouvait être destructeur quand il débouche une fois de plus sur de graves déconvenues, je préfère la notion d’attente. L’attente n’autorise aucune rêverie inutile, je la fais vivre pour le seul objectif de ce qu’elle permet : Attendre.

D’aucuns me diront que cela ne me mène à rien et ils auront raison. Je peux tenter de rétorquer que je ne vois pas où tout cela me mène, que pour cela je dois dépasser les mots de mes maux.

Pourquoi croyez-vous que j’écris ?Je prends toutes les réponses, je les trouverais toutes légitimes. Mais le lecteur n’a pas le droit de réponse, il ne fait que lire et subir. Je me sens solidaire de son impuissance. Il me devient précieux ce lecteur. Il a certainement autant d’acharnement que moi à suivre mon texte pour vouloir savoir d’où je viens et à quoi je veux en venir. Comme je ne vois pas l’intérêt d’expliquer d’où je viens et que je ne sais pas où je veux en venir, il me semble préférable d’en rester là pour arrêter la musique exaspérante de cet orgue de barbarie.

Pour une fois, le lecteur et moi partagerons la frustration d’un texte inabouti. Qu’il m’en excuse, je n’en suis pas très fier mais je n’ai rien d’autre à dire. Pour stopper ces errements sans but, sans horizon visible, je vais mettre le dernier point à ces mots et pour le faire avec le minimum de dignité, je mettrai trois points de suspension pour laisser une chance à mon avenir de s’en servir pour trouver son chemin…

François Geoffroy 

A mon tour de parler. J’ai entendu ta petite musique et je sais que tu t’es associé à cette entreprise « J’écris pour chasser le handicap ». Pour l’instant tu es seul à connaître cette entreprise d’écriture et que tu veuilles me rejoindre dans cette entreprise, c’est normal et tu es le bienvenu. J’ai compris ta désespérance et surtout ne plonge pas dans la dépression. Les gens en dépression sont plus difficiles à vivre que ceux qui ont une patte folle. Tu as une famille, plaisante avec elle sur ton mal, partage avec elle les joies d’un moment, l’intérêt pour ce qu’ils font. Tu dialogues avec moi dans une écriture pour les autres. J’attends avec impatience que cette entreprise soit sur blog avec copyright , c’est ce qui retarde la mise en ligne ouverte à tous. D’autres, handicapés comme nous et voulant triompher de la douleur, auront peut-être envie de nous rejoindre. Je leur laisse déjà le mail de l'association lepoetecitoyen@yahoo.fr;

Peut-être que la parole de tous créera une longue bande sans trous et son débit sur l’orgue des jours intéressera les soignants pour guider leurs patients à vivre avec la douleur, à vivre en dépit de la ténacité de cette bougresse. Mon livre « L’œil de la mémoire » que chacun peut retrouver sur le site de prospective21.info Il y est simple de réaliser que la personne qui se raconte est dans le coma en soins intensifs. Et cette voix qui défie la mort a intéressé nombre de soignants dans de tels services. J’ai tant aimé ce propos d’une infirmière en soins palliatifs à Saint-Etienne « Votre témoignage sera précieux dans mon travail. » Et tout ce qu’elle dit ensuite me revigore et m’encourage à persévérer dans le travail d’écriture. Cette soignante m’a donné la conviction d’œuvrer pour l’humanité souffrante.

Et si les éditeurs ne veulent pas de nos voix, il y aura peut-être des gens des medias qui souhaiteront faire savoir notre entreprise. J’aimerais tant que notre ami Bébert puisse nous lire. L’ordinateur ne suffit pas, il lui faut aussi l’abonnement au Net.

 

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