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J'ECRIS ET CHASSE LE HANDICAP
20 juin 2011

Vie au préventorium

 

Épisode 69

 

Épisode 69

 

Enfin, j’accédais au régime normal. Non seulement, j’allais en promenade, et en plus, j’allais pouvoir participer aux séances de bricolage dans une vaste salle quelquefois entrevue où chacune s’affairait à des activités qui m’étaient énigmatiques. J’avais bien réalisé qu’on y faisait de la couture, activité classique avec des animatrices religieuses, ce sont les autres choses qui excitaient ma curiosité. Je fus donc introduite dans la place et je crois bien avoir été orientée vers ce que je savais faire, la couture. Cette salle vaste et lumineuse avait, selon les religieuses, un inconvénient. Pour aller aux toilettes, il fallait emprunter le grand escalier si bien ciré. Le fréquenter, ça le ternissait.

Un jour, le problème fut résolu. La salle de bricolage fut transférée dans une pièce moins grande, moins lumineuse qui avait l’avantage d’avoir un placard bien profond. Il fut transformé en cabinet d’aisance. Plus de gamines à traîner dans les couloirs et à échapper à la surveillance. L’ennui, c’est qu’il fut vite bouché et les odeurs nauséabondes envoyaient leur pestilence alors que nous faisions notre bricolage. Assurément, Il faudrait une longue cure sur les balcons pour régénérer nos poumons.

Un jour, ce fut une grande effervescence. Une commission de santé débarqua inopinément. Une religieuse, à l’accueil, allait piloter ces gens-là dans le bel escalier, montrer les dortoirs bien rangés, faire visiter le service de demi-repos, celui de grand repos, il y avait de quoi faire pendant que les grandes ont été réquisitionnées pour que la salle de bricolage devienne fréquentable. J’étais clouée sur ma chaise avec la ferme intention d’être spectatrice de ce grand charivari. Les seaux, les serpillières valsaient et je fus étonnée de la vitesse avec laquelle le cabinet fut débouché. Si c’était si simple, pourquoi cela n’était pas fait dès que nécessité ? Le château était grand, si grand que nous ne vîmes pas les gens de la commission, l’heure de quitter la salle de bricolage était venue.

Dans le cadre du bricolage, nous avons eu à confectionner des berceaux dans des boîtes en carton et à les décorer. Cela me plaisait bien. Le plus beau serait présenté au Père lors du mot du soir. Après le dîner, nous allions toutes dans la salle de réception où le dimanche, devant le personnel et les familles en visite, nous chantions et dansions ce qui avait été appris pendant la semaine, c’était une petite fête rituelle. Et chaque soir, le Père, à la tête de la congrégation, venait die « un mot » pour que nous nous sentions un peu en famille. Le Père parlait bien, il avait un sourire taquin, il racontait parfois des histoires et il racontait bien. J’ai eu à lui présenter le berceau que j’avais réalisé, il regarda avec intérêt le tissu froncé que j’avais mis tout autour pour que le carton ne se vît pas, c’était du plus bel effet. Il me complimenta et me remit le livre « L’auberge rouge » écrit par lui-même et inspiré d’une histoire véridique dans les monts de Lozère. Un film avec Fernandel a été tourné sur ce fait divers qui fout la trouille. Plus aucune envie d’échapper à une tornade de neige en trouvant refuge dans une auberge isolée. Le Père s’appelait Charles Alméras et bien plus tard, après mon séjour, il devint maire de Mendes.

Ma mère vint une fois, alors que mon « nouveau papa » était « tombé à l’eau » (sic). Je les imaginais en bateau pour Bandol ou Les Sablettes et l’accident s’était produit. Par politesse et témogner un intérêt à l’égard ce « nouveau papa », je demandais plus de précisions mais le sujet n’avait pas l’air de plaire. Lorsqu’on me libéra après neuf mois, ma mère vint me chercher et nous fîmes halte à Nîmes pour visiter les antiquités romaines et nous rentrâmes à Toulon. Ma mère avait cette fois une grande chambre avec une vraie fenêtre, elle donnait sur les toits en tuiles rouges, c’est mieux que sur un escalier. Le rouge, c’est chaleureux, ça met de bonne humeur.

Ma mère était confuse de ne pouvoir me donner des repas de grands restaurants comme au préventorium. Je lui assurais que les siens étaient bien meilleurs. Pourtant, je joignais à mes lettres les menus gastronomiques qui nous étaient servis. Je lui jurais que je n’avais rien envoyé de la sorte, nos lettres étaient lues avant expédition et certainement, c’était la sœur chargée du contrôle qui glissait à l’intérieur de l’enveloppe le menu.

  • Mais le dessin était de toi !

  • La sœur Eulelie, maîtresse d’école, me faisait dessiner une décoration pour menu puis prenait mon dessin et je n’ai jamais su ce qu’elle en faisait.

Nous dûmes aller au dispensaire pour une radio de contrôle. Tout était pour le mieux. Une autre fillette revenue du préventorium devait repartir pour un sanatorium. Sa mère était très en colère et racontait à ma mère comment elle avait été abusée par des menus bidons joints aux lettres lesquelles étaient soumises à la censure pour nous forcer à dire que tout était au mieux. Ma mère ne pouvait que constater que tout ce que j’avais raconté était vrai, je l’avais sentie incrédule. Et nos deux mères de dire en se jetant dans les bras l’une de l’autre qu’elles étaient convaincues que cet établissement nous soignait bien mieux qu’elles n’eussent pu le faire et la mère de cette fille dont je ne me rappelais pas s’inquiétait sur le prochain établissement où sa fille allait être dirigée, plus malade qu’avant puisqu’elle avait le bacille !

Heureusement que je ne l’avais pas, je n’avais pas envie de faire une grosse peine à ma maman.

 

 

 

 

 

 

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