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J'ECRIS ET CHASSE LE HANDICAP
25 juin 2011

Le saloon et autres drôleries

 

épisode 71

Vous raconter cette nuit où je me lève pour me rendre au « saloon » et où pour cela je dois traverser toute la salle. J’ai donc le temps de faire des comparaisons musicales sur le tempo et le nombre de décibels de tel ou tel utilisateur nocturne de tronçonneuse, sauf que cette fois j’ai un camarade de chambrée qui me semble s’être décidé à faire « chambre à part ». C’est un grand type qui a dû être sacrément costaud mais qu’une tuberculose ajoutée à un cancer qui se généralise ont laissé maigre comme un piquet de clôture. D’habitude la nuit il tient sa place de sonneurs comme les copains mais cette fois-ci son apparence m’effraie et m’oblige à m’arrêter devant son lit. Sa figure est grise, même un peu bleuâtre et je n’ai pas l’impression qu’il respire. Je cavale au bureau de l’infirmière de nuit pour l’avertir de ma découverte que je pressens macabre. Peut-être suis-je devenu blanc à mon tour car elle se dépêche d’appeler quelqu’un au téléphone, le médecin de garde je suppose. Peu de temps après la moitié de la salle est réveillée car plusieurs soignants s’agitent autour du lit de celui qui a décidé de se faire remarquer. Il est emporté vers son destin et je retourne vers le mien qui voit l’intérêt d’être dans son lit et en forme, si j’ose dire…

Comme depuis mon arrivée quelques semaines ont passé, le vieux briscard de la pneumo  que je suis devenu se rendort quand même vers le matin. Au réveil, Surprise !

J’aperçois le moribond qui ne l’est plus du tout ! Il a déjà été ramené parmi nous et il paraît avaler son café comme quelqu’un qui profite au mieux de l’hôtellerie. J’échange quelques mots à son sujet et sur ma surprise nocturne avec mon voisin de lit qui me dit à voix basse que le thermos sur la table de nuit du grand malade ne contient pas de la camomille… Vu ma tête étonnée, il complète en ajoutant qu’il est déjà passé à côté quand sa femme vient voir le malheureux et qu’il a senti la bonne odeur de pastis sortant du thermos ouvert.

Car notre joyeux drille est aussi alcoolique… Son épouse, une brave personne, attentive peut-être à adoucir les derniers moments de son cher mari, lui apporte dans ce thermos bien opaque du pastis pur que monsieur s’envoie en douce à l’abri des regards, mais pas du nez de mon voisin. Là j’avoue que ça bouillonne un peu dans ma tête. Ce gars qui m’a fait une peur bleue (c’est le cas de le dire), que j’ai vu mort, qui m’a fait galoper pour prévenir et qui a donc peut-être été sauvé par mon envie de pisser la nuit, là je trouve qu’il abuse avec son thermos de camomille à 45° !! J’en touche un mot à mon voisin et nous nous décidons d’aller voir l’infirmière pour lui dire que… 

  • Le collègue là, eh ben il ne sirote pas que de la tisane. Sa femme lui apporte de l’alcool pur en douce dans son thermos !

Bref, on dénonce sans vergogne le couple en se disant que c’est pour la santé du tuberculeux et surtout pour retrouver si possible des nuits moins agitées.

Autre facétie quand j’ai apprécié une fois de plus les capacités d’interventions judicieuses de mon voisin. En face de nous se trouve un gros monsieur. Quand je dis gros, c’est vraiment gros.

Cet ancien maçon qui travaillait dans les égouts de Paris a lui bien des soucis. Tuberculeux comme nous tous, alcoolique aussi. Par contre, il est en début de période de sevrage, situation difficile autant physiquement que moralement. Pour parachever le tableau, cet ancien fumeur développe aussi des métastases aux poumons.

Pour avoir fait le maçon pendant plus de 20 ans dans les égouts, rien de bien étonnant hélas à tout ça. Il est souvent sous oxygène dans la journée car pour couronner le tout, il fait de l’emphysème.

Le voisinage de cet homme est vraiment insupportable, non pas le jour où il peut être un camarade plutôt sympa et parfois blagueur, mais la nuit. Car il ronfle. Si j’ai évoqué les ronflements de quelques uns (dont je ne m’exclus pas d’ailleurs), je voulais évoquer des bruits repérables, plutôt ordinaires, que bien des adultes font en dormant, ronflements, vibrations diverses, borborygmes nocturnes de bon aloi, bref bruits que nous produisons seulement pour rassurer l’infirmière de nuit de notre vitalité même les yeux fermés.

Le cas ici est particulier. Notre voisin fait dans la démesure, ce n’est pas une tronçonneuse à haut débit, ces ronflements s’apparentent plutôt à un bruit d’outil infernal…du style, peut-être, marteau piqueur !

Bref, si moi j’arrive à sommeiller quelques heures par jour depuis l’arrivée de ce malade, le voisin, mon associé de délation, ne dort plus du tout la nuit. Cela n’altère pas ses facultés imaginatives et lors du passage des médicaments du matin, il se penche vers l’infirmière pour lui chuchoter quelques mots en lui désignant du menton le collègue face à nous.

Plus tard, je l’interroge mais il me répond

- Tu verras bien ce soir ! 

Cette journée, trop semblable à la précédente, se finit par la dernière prise de médicaments avant la nuit et l’infirmière de se pencher gentiment vers le marteau piqueur pour lui dire :

- Le médecin a laissé un mot vous concernant sur mon bureau, il pense que vous passeriez de meilleures nuits si vous aviez l’oxygène » Et sans attendre la réaction du malade, elle lui enfile les embouts dans le nez en installant les tuyaux derrière son oreiller.

- Bonne nuit messieurs et à demain ! 

Alors là je dis « Môssieur ! »

Mon voisin me regarde avec le sourire jusqu’aux oreilles de celui qui vient de gagner à la loterie des insomniaques guéris.

Je le remercie ici d’avoir partagé avec moi son billet gagnant. Nos nuits à venir furent des enchantements. Je n’irai pas jusqu’à dire que l’on pouvait entendre une mouche voler car il ne faut rien exagérer pour cette chambrée qui a la particularité d’être mal en point des poumons !

à suivre…

 

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