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J'ECRIS ET CHASSE LE HANDICAP
19 mai 2011

N°65 Pas de fric et la santé se barre

 

Épisode 65

Depuis le diagnostic de ma primo infection, tous les jours ma mère me servait un steak de cheval pour me redonner une santé de cheval. Il lui arrivait de murmurer les questions qu’elle se posait à elle-même : Pourquoi, cette atteinte aux poumons ? Elle ne savait pas et la médecine non plus mais au dispensaire, on lui assurait ma guérison dans un établissement sous contrôle de la Sécurité Sociale. J’allais retrouver ma mère à son travail et, après ses heures de bureau, elle officiait comme femme de ménage pour améliorer son budget. Elle astiquait énergiquement des escaliers que je trouvaient déjà bien reluisants mais ses patrons tenaient à poser leurs pieds sur des marches dignes de leur rang. Le temps passait paisiblement et je n’allais plus voir seule ma petite sœur, ma mère craignait que je puisse être prise d’un malaise. Je ne me rendais pas bien compte que je n’allais pas assister à la rentrée scolaire. Mais, je portais en moi la certitude que je ne verrai plus Madame Vacon qui allait peut-être apprendre que j’étais atteinte aux poumons. Elle n’apprécierait pas car elle me comptait dans ces petites sixièmes où elle pourrait dire que j’étais une de ses anciennes élèves. Ma réussite était un peu la réussite de son enseignement, pourtant, je continuais à faire des fautes dans l’accord des participes passés. Dans mes rédactions, je ne faisais pas de fautes mais les dictées, c’était ma hantise. Je crois que la peur des punitions bloquait mes méninges. Cette année de CM2 avec cette institutrice et la fréquentation de la soupe populaire m’a laissé un profond sentiment d’injustice. On ne traitait pas pareillement une gosse dont la famille manquait d’argent et la fille d’un bijoutier. Pourtant, c’était une époque où il y avait, dans les rues, beaucoup de mendiants. A Brest, au catéchisme, le prêtre nous invitait à la charité et ma grand’mère me donnait un sou à remettre à ceux qui mendiaient « à cause de la guerre » disait ma grand’mère apitoyée par ceux qui y avaient perdu une jambe, « à la guerre d’avant » disait-elle . Je constatais toujours ahurie que la querre d'après ne leur avait pas pris la seconde jambe. « L’armée ne les avait plus voulu dans ses rangs tout comme mon grand-père qui crachait du sang à cause du gaz moutarde » répétait vainement ma grand’mère. Je ne comprenais pas bien qu’on puisse se faire tant de mal en jouant à la guerre.

Fran9ois Geoffroy m’écrit et me raconte comment il est arrivé en sanatorium, c’était donc pire que pour moi.

J’étais  peintre en bâtiment, mon premier métier avec CAP entériné par un 17/5 de moyenne!!
Souvenir
ancien d'une formation de six mois avec l'AFPA à Maubeuge dans les années 70, hébergé dans de vulgaires baraquements en bois avec un poele pour 120 bonshommes.
Cela
ne nous empêcha pas, nous les 15 de la promotion, de réaliser avec brio notre recyclage.
Qui,
ancien délinquant qui ne savait pas pourquoi il était , qui ancien mineur de 50 ans, silicosé à 70%, qui votre serviteur qui se gelait la nuit comme les copains par des - 8 avec deux couvertures aussi épaisses qu'un vieux drap. Et ce moniteur, acharné à faire rentrer de la techno pour certains de nous illettrés et qui réussit à nous emmener tous les 15 au CAP à la surprise générale.
Cet
ancien professionnel avait le goût des choses simples et celui qui ne répondait pas à son bonjour en arrivant avait une réflexion bien sentie. Cet homme plutôt trapu des épaules et de la relation avait tous les outils pour nous apprendre le métier et le savoir faire pour faire tomber rapidement les sursauts de violence qui agrippaient les raz le bol épisodiques de certains d'entre nous. Il s'appelait monsieur Tournus et si je le nomme c'est que ce type a droit aujourd'hui encore à ma reconnaissance d'avoir été un "homme bien"!
Je
me souviens de ces Antillais tout juste débarqués de leur avion qui tombaient comme des mouches avec des grippes carabinées faute de nourriture suffisante à la cantine et de chauffage à l'hébergement. Je me souviens de la grève du personnel technique qui nous priva de cantine pendant quelques jours et quelques Arabes qui nous firent un dimanche midi un couscous géant dont je suis sûr que tous les stagiaires bloquant le w.e comme moi par faute de sous pour rentrer chez eux, se rappellent avec émotion.
  
Alors pour me faire remarquer, je finis premier au CAP mais avec une tuberculose pulmonaire qui me mit à gauche pendant onze longs mois.
A 19
ans, c'est l'élan de la jeunesse stoppée en plein envol qui me laissa des traces déprimantes pendant les années qui suivirent.

François

 

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