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J'ECRIS ET CHASSE LE HANDICAP
21 mai 2011

N°66Au sana aux plus hauts des cieux!

Épisode 66

Titre : Au sana aux plus hauts des cieux!

Avec son humour habituel, François Geoffroy conte son épisode de vie au sanatorium.

 

 

S'il m’est bénéfique de me rapprocher de la voûte céleste et du domaine des dieux pour accélérer la cicatrisation de deux trous dans mes poumons, pourquoi pas?

J'étais en partance pour ce que l'on appelle aujourd'hui "une maison de convalescence" pour éviter la connotation négative du mot "sanatorium".

Dans un sanatorium, on crache ses poumons, on se traîne en pyjama dans les couloirs et on croise des moribonds dont on évite le regard par peur de se reconnaître.

Rien avoir avec une maison de convalescence qui accueille ses patients dans le but de les dorloter afin qu'ils retrouvent toutes leurs capacités pour retourner travailler le plus vite possible.

D’ailleurs ma carrière professionnelle devra attendre 40 ans de plus pour que j’obtienne enfin une gratification honorifique : Un Titre de Pension d’Invalidité. Pour l’instant je ne connais pas encore cet avenir radieux et je dois me contenter de prendre le train pour aller goûter les joies de la vie d’une collectivité à remettre sur pieds.

 

Me voila parti dans les Alpes, au Plateau d'Assy au dessus de St Gervais après quatre longs mois passés dans le service des affections pulmonaires de l'hôpital Cochin.

Je prendrais le temps de vous décrire la joyeuse atmosphère d'une salle de 24 lits oû le jeune homme que je suis découvre la vie dans un vieil hôpital parisien des années 70.

Mais il y a trop matières à en rire ou à commencer une dépression pour le faire maintenant.

A 19 ans, partir loin dans un lieu inconnu est toujours un peu une aventure. Je suis donc agité par deux sentiments contradictoires le nez collé au carreau de la vitre de mon compartiment. Je regarde défiler le paysage dans l'attente fébrile de voir enfin ces hautes montagnes que je n'ai encore jamais vues. J'ai aussi en tête que le médecin qui m'y envoie m'a bien précisé qu'il ne pouvait me dire combien de temps mon séjour devrait durer.

Ce sera plusieurs mois coupés de ma famille, de mes copains et dans tous les cas un temps suffisamment long pour briser encore un peu plus les élans de ma jeunesse qui normalement devrait être en train de frétiller comme un gardon dans une belle rivière.

Pour le domaine des dieux, je tiens déjà deux éléments utiles. L'altitude et les bonnes soeurs qui sont affectées à différentes tâches dans ce lieu perdu.

Pour couronner le tout, c'est un établissement qui était prévu à l'origine pour les militaires. La totale!

Comme ces messieurs d'un ancien ministère de la guerre ne sont plus assez nombreux pour remplir les lits vides, le citoyen lambda est accepté les bras ouverts à partir du moment où il a bien intégré qu'on n'est pas là pour rigoler!

D’ailleurs l’établissement n’est pas mixte afin que les choses soient claires. L’administration n’a pas encore découvert que la mixité n’implique pas obligatoirement le mélange étroit des deux sexes dans les coins sombres et que faire vivre des hommes avec des femmes prédispose plutôt à l’amélioration du moral et donc du physique de tous. L’administration ignore que le regroupement d’un seul sexe dans un lieu relativement clos, les hommes pour ne citer qu’eux, semble les obliger le plus vite possible à se regrouper en tribus qui s’affronteront pour vérifier qui sont les plus forts…Les chasseurs, les habitués du PMU, les sportifs, les supporters de sportifs (ceux là sont particulièrement hargneux !) ou tout autre groupe de vindicatifs d’une cause inutile qu’il faut défendre quitte à verser le sang !

Pour le mauvais caractère du gars qui a été viré, à 16 ans, de son lycée à cause de troubles lors d'un joli mois de mai, ce n’est pas trop un problème de faire profil bas avant de s'installer plus à son aise dans ce monastère pour militaires bacillaires.

Je prends donc mes quartiers dans une belle chambre où j'ai la chance d’être seul. Un balcon qui me verra allongé pendant les longues heures d'après-midi que ces chères soeurs appellent "la cure", donne sur un cirque de montagnes enneigées magnifiques.

Ici on respire à pleins poumons des bouffées de fraîcheur et pour ceux qui le souhaitent, il est possible d’élever son âme au dessus des turpitudes d’une vie quotidienne dissolue.

 

Pour ce deuxième avantage incommensurable, je ne suis pas vraiment preneur, d’une part car jusqu’ici ma vie n’a pas été autant dissolue que ça (j’aurais même souhaité pire !). D’autre part, je préférerais que la proximité des cimes soit surtout propice à la réfection de mes poumons.

Depuis deux ans Je travaille avec acharnement dans le bâtiment et souhaiterais aussi amortir mes cotisations sociales avec des soins adaptés à mon corps, l’esprit attendra.

Les jours passent, ponctués par la proposition du voisin, le jeune gendarme de la chambre d’à côté qui m’a embauché pour tenir la bibliothèque. Ce militaire, au demeurant charmant, a un léger défaut, une obsession plutôt. Il est accro de musique classique, ce qui ne me déplait pas, mais le seul morceau qui trouve grâce à ses oreilles est « les Canons » de Pachelbel !

Tous les jours de soleil et de température clémente, quand nous jouons tous les deux les allongés sur notre balcon pendant « la cure », je dois écouter en boucle le thème récurrent d’une musique qu’il a dû définitivement choisir pour son titre.

Je tente de lui parler de Mozart, de Verdi et d’autres compositeurs qui ne sont pas mal non plus mais il n’en démord pas même si j’avoue qu’il y a pire comme pollution sonore. Une certaine lassitude m’envahit quand même parfois, mais allez donc dire à un gars habitué à garder son petit doigt bien raide sur la couture du pantalon qu’il est buté !

 

 

 

 

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